PRÉSENTATION DE BCEOM

Une société d’ingénierie originale

Présentation générale de BCEOM

BCEOM fut une société d’ingénierie des infrastructures d’une grande notoriété qui œuvra de 1949 à 2011. Elle disparut au terme d’un processus d’absorption par le groupe EGIS qui prit fin en 2011.

Ses compétences s’exerçaient principalement dans le domaine des transports (routes, autoroutes, rail, aéroports, ports et voies navigables) de l’eau (production, distribution et traitement) et de l’aménagement urbain et rural et au fil du temps portèrent sur l’ensemble des problématiques environnementales (protection contre les inondations, protections côtières, impact du changement climatique, etc.).

Sa spécificité était de réaliser la majeure partie de son activité à l’international (80% environ). Chaque année, BCEOM était présent dans plus de 60 pays et au cours de son existence conduisit des milliers de projets dans plus de 150 États. Une grande partie de cette activité était réalisée sur fonds d’aide publique au développement mis en place par les institutions internationales, au premier rang desquelles la Banque Mondiale.

Cette spécificité d’œuvrer sur un marché très concurrentiel à l’international forgea les valeurs de BCEOM et de son personnel, caractérisées par le respect des clients et partenaires, le souci de la qualité, le sens des responsabilités et de l’innovation.

À parcourir le monde, à échanger, partager ses expériences avec des hommes de toutes origines, on s’enrichit, on devient meilleur, plus ouvert sur les autres. Tel était BCEOM fort d’un parcours de plus de soixante ans sur les cinq continents.

Histoire résumée de BCEOM

De la France de l’Outre-Mer (AOF)…

 Dans la France de l’après-guerre où tout ou presque était à reconstruire, BCEOM fut créé en 1949 pour contribuer sur le plan technique au développement des territoires situés hors de la France métropolitaine. Son nom est d’ailleurs explicite : Bureau d’Études pour les Équipements d’Outre-Mer

Statutairement société d’économie mixte, il a pour actionnaire l’État et cinq sociétés de travaux publics.

Résultat d’une gouvernance erratique, de conflits d’intérêts et de personnes, au terme des cinq premières années, le désordre s’est installé dans la société.

Une reprise en main s’imposa alors. Les cinq entreprises furent expulsées du capital de BCEOM. Le ministre de la France d’outre-mer de l’époque se fâcha, vira le président- directeur général et le secrétaire général, décida que le président serait statutairement l’Inspecteur Général de son Ministère et nomma un directeur général.

Par le départ des entreprises actionnaires, BCEOM devint société d’État tout en gardant la souplesse de gestion grâce à son régime juridique de droit privé. C’est sous cette nouvelle direction que BCEOM se structura et prit son véritable essor sur la période 1956-1962.

C’est durant cette période également que BCEOM se dota d’un Comité d’entreprise, adhéra à SYNTEC, la Chambre syndicale de la profession, et créa la Société INGÉROUTE avec deux confrères du secteur privé SOGEI et le CEBTP.

La croissance du chiffre d’affaires s’établit à 26% en moyenne. Les principaux théâtres d’opération de BCEOM étaient alors les pays du champ de la France d’Outre-Mer (FOM) : le Maghreb, l’Afrique francophone et l’Indochine. L’essentiel du financement des études provenait du Fonds d’Investissement pour le Développement Économique et Social (FIDES), mais BCEOM travaillait aussi pour des opérateurs privés (tel Péchiney) pour la mise en œuvre de l’exploitation des ressources minières en Afrique.

À la demande des autorités françaises, BCEOM était cependant intervenu hors de la FOM, en Iran en 1957 pour venir au secours du GICOF, groupement d’ingénieurs-conseils français, enlisé dans un important projet de développement en Iran. En rétablissant la situation, BCEOM gagna la confiance des Iraniens, ce qui se traduisit par de nombreux autres contrats, jusqu’à la chute du Shah, vingt ans plus tard.

… à l’international ;

Anticipant sur la décolonisation et donc l’arrêt des financements du fonds FIDES, la direction de BCEOM mit tout en œuvre pour assurer la pérennité de la société par une réelle internationalisation et une diversification des sources de financement.

L’accord du conseil d’administration pour intervenir hors du champ de la France D’Outre-Mer (FOM) est obtenu dès 1958 pour des interventions au Liban, en Iran, en Azerbaïdjan, etc. La vocation de BCEOM à travailler à l’étranger est définitivement reconnue lors d’un conseil d’administration en 1959, sous réserve qu’il ne néglige pas ses « pays traditionnels ».

C’’est en 1963 qu’interviendra la signature du premier contrat sur financement de la Banque Mondiale (BIRD) pour l’étude du plan de transport de Taïwan (appelée alors Formose). C’était une première pour BCEOM mais également une première française car aucun bureau d’études français n’avait alors travaillé pour cet organisme.

Avec la décolonisation en l’Afrique francophone, le Fonds d’Aide et de Coopération (FAC) et la Caisse Centrale de Coopération Économique (CCCE) prirent la relève du FIDES.

Le développement à l’international s’accéléra et BCEOM fut dans bien des cas la première société française à intervenir sur les financements des diverses Banques de Développement créées au fil du temps (BAD, BID, ADB) ou sur ceux des organisations ou fonds dédiés à l’aide au développement (IDA, PNUD, FED, Fonds arabes, etc.).

C’est ainsi que BCEOM devint un acteur de premier plan au niveau mondial sur ce qu’il est convenu d’appeler l’Aide Publique au Développement. En 1984, le B.C.E.O.M. changea de raison sociale et devint « BCEOM Société française d’ingénierie ». Le nom BCEOM (sans sigle) avait néanmoins été conservé en raison de sa grande notoriété par le monde.

Au fil du temps, la part de financement d’origine française dans l’activité internationale de BCEOM alla décroissant et passa sous la barre des 10% dans les années 90, les bailleurs les plus importants pour l’activité de BCEOM étant dans l’ordre : la Banque Mondiale, le Fonds Européen, La Banque Asiatique et la Banque Africaine de Développement.

Sur ce marché, les principaux concurrents de BCEOM n’étaient pas français mais anglo-saxons et la concurrence était rude. BCEOM réussit à y affirmer sa notoriété et devint rapidement un acteur majeur, dans les trois premiers mondiaux. Son activité se déploya ainsi dans plus de 150 pays et chaque année BCEOM menait des projets dans une bonne soixantaine de pays.

Suivre et s’adapter aux marchés, innover 

Pour s’imposer et se développer comme il le fit dans un environnement sans cesse changeant, BCEOM dut faire preuve d’une grande capacité d’adaptation. Ce ne fut pas un long fleuve tranquille.

Adaptation aux politiques des bailleurs de fonds dont la Banque Mondiale donnait le « la » et qu’au cours des 30 dernières années on vit schématiquement évoluer du « tout État » au « tout privé ». Il y eut par exemple la période des grandes planifications et des schémas directeurs, dans le domaine urbain en particulier, puis, compte tenu de l’incapacité politique des gouvernements à les mettre en œuvre ou tout simplement à les faire respecter, ceux-ci furent abandonnés. Il y eut également la période de développement des capacités des administrations, comme effectuer en régie les travaux d’entretien de leurs réseaux routiers. Puis vint le temps du désengagement de l’État, de la gestion déléguée, de la privatisation, des « Partenariat Public-Privé » (PPP). L’appréhension des projets se complexifia. Les approches techniques et économiques ne furent plus les seuls critères déterminants. Les préoccupations environnementales et de durabilité du projet prirent de plus en plus d’importance et en devinrent les facteurs déterminants.

BCEOM devait à chaque fois s’adapter, en innovant dans ses méthodologies, en formant ses personnels à ces nouvelles approches et en recrutant des experts en pointe sur celles-ci. Deux exemples illustrent bien cette faculté de BCEOM à être en pointe sur toutes nouvelles thématiques : après appels d’offres, la Banque mondiale lui confia la mise en œuvre de son « Tool Kit » sur les Partenariat Public-Privé ainsi que la première étude qu’elle lançait pour évaluer l’impact du changement climatique, en l’occurrence sur les villes du sud du bassin méditerranéen. Cette nécessaire adaptation au marché se traduisit parfois par l’évolution des structures de production de BCEOM, avec au fil du temps la création ou la disparition de centres techniques dédiés dans les domaines tels que la planification économique, l’urbanisme ou la formation.

Sur un plan géographique, l’adaptation fut également constante. Soit parce que certains pays sortant du champ de l’aide publique au développement (comme la Corée du Sud dans le milieu des années 70) ne présentaient plus d’opportunités d’intervention, soit parce que les déficiences économiques ou politiques des États entraînaient une suspension ou un arrêt des aides au développement, sans parler des troubles, révolutions, montée du terrorisme, etc. qui parfois se traduisirent par un rapatriement en catastrophe des équipes de BCEOM.

Mais dès qu’un marché se fermait ou diminuait, BCEOM avait le souci d’en ouvrir un autre. C’est sa diversification géographique qui, in fine, lui permit de passer bien des crises. Dans les années 90 par exemple, alors que l’activité chutait fortement sur l’Afrique francophone, c’est l’Afrique anglophone qui était en plein développement. Quand l’activité baissa en Indonésie, qui fut de nombreuses années le premier pays en termes d’activité pour BCEOM, les Philippines, puis l’Inde prirent le relais. La réactivité de BCEOM fut manifeste et exemplaire après la chute du mur de Berlin en 1989 et l’effondrement du bloc soviétique. Un nouveau marché s’ouvrait qu’il fallait saisir. Un centre de profit spécifique « Europe Centrale et Orientale – ECO » fut créé. Ce centre connu un développement rapide dans les secteurs d’activité traditionnels de BCEOM, mais également dans le domaine des études à caractère institutionnel, l’enjeu pour ces pays étant de passer d’une économie administrée à une économie de marché, de se mettre aux normes du droit du commerce international et pour certains de viser une harmonisation avec le droit européen. Ainsi, de Varsovie à Bakou, de Moscou à Bucarest, BCEOM participa d’une façon notoire aux programmes mis en œuvre par l’Union Européenne, développa son activité dans tous les pays de cette zone et s’assura de sa pérennité par la création de filiales en Pologne, Roumanie, Ukraine et Bulgarie.

Au plus près de ses clients

 Pour travailler à l’international et y réussir, il faut de l’humilité, ne pas s’imaginer que l’on est porteur d’un savoir-faire universel, de vérités que l’on peut imposer. Il faut savoir écouter son client, prendre en compte les spécificités du pays où l’on œuvre, respecter sa culture. Travailler au plus près du client, le faire participer à toutes décisions importantes lors de l’avancement du projet et intégrer dans les équipes en charge du projet le plus possible de compétences locales sont des impératifs incontournables pour réussir.

Ces impératifs ont de tout temps dicté la façon de travailler de BCEOM et formé la culture de ses ingénieurs. C’est ce qui explique en grande partie la pérennité de ses actions dans nombre de pays une fois la première étude obtenue.

Ce souci constant d’ancrage local de BCEOM se traduisit bien souvent par la mise en place de bureaux de représentation, d’agences, voire de filiales lorsque les conditions locales s’y prêtaient.

C’est ainsi qu’au fil du temps furent créés, la SEGA (Société Gabonaise d’Études) en 1962, qui deviendra la SNGE en 1984, STUDI (Société Tunisienne d’Ingénierie) en 1970, INFRAMAD à Madagascar en 1973, BCEOM Hong Kong en 1979, BCEOM Cameroun en 1983.

Les années 90 virent la création de NEXEL POLSKA en Pologne, de SPB en République Tchèque, d’INFRACONSULT S.A. en Roumanie et d’EUC (Euro Ukrenia Consulting) en Ukraine en appui au développement de l’activité sur l’Europe de l’Est. Cette politique de filialisation s’intensifia même au début des années 2000 par la création de BCEOM India, de BCEOM Indonésia, de BCEOM Kenya, etc. En effet les contraintes d’entrée sur le marché de l’aide publique au développement mises précédemment en place par les bailleurs, telles que la distinction entre experts internationaux et locaux ou les avantages fiscaux liés à l’origine des financements, disparurent peu à peu et de fait, dans bien des cas, imposèrent la filialisation de l’activité.

Et en France !

 La vocation d’origine de BCEOM n’était pas de travailler dans la France métropolitaine, il n’y travailla pas jusqu’en 1964. Il fut alors sollicité pour participer au projet de mise en valeur du littoral languedocien. Cette opération d’envergure, communément appelée « démoustication », se déroula sur plusieurs années et comportait l’assainissement des terres, l’ouverture des lagunes pour éliminer les eaux dormantes, l’aménagement des fleuves régionaux, etc. Elle fut l’origine de l’installation en 1970 de BCEOM à La Grande Motte, un des berceaux du développement de son activité en France.

Dans les années 70, BCEOM développa une collaboration étroite avec le Service Central Hydrologique du ministère de l’Équipement, ce qui l’amena à concevoir et rédiger des ouvrages méthodologiques à caractères socio-économique et technique pour lutter contre les inondations. Il établit l’atlas des zones inondables en France en six volumes (un par agence de bassin) mettant en évidence qu’un quart des communes françaises étaient susceptibles d’être touchées. Il fut par la suite chargé d’établir les premiers Plans d’Exposition aux Risques (PER).

C’est à cette période également que BCEOM expérimenta puis mit en œuvre dans le sud de la France l’épuration des eaux usées par lagunage.

Citons également deux opérations à caractère exceptionnel pour lesquelles on fit également appel à ses compétences : en 1964 les études de faisabilité d’une ligne TGV Paris-Lyon mettant en évidence un fort taux de rentabilité, vérifié bien des années plus tard, et les études du plan de circulation de la région de Grenoble pour les jeux olympiques de 1968.

Mais c’est à partir des années 80 que se développa réellement l’activité en France, la décentralisation des services de l’État faisant émerger un véritable marché pour l’ingénierie notamment auprès des collectivités territoriales.

Trois services techniques Hydraulique, Assainissement, Environnement sont créés à La Grande Motte où ils cohabitent avec les services à vocation internationale Ouvrages d’Art et Aménagement et Développement Rural (ADR) de BCEOM. Les implantations en France se multiplient avec la mise en place d’agences à Paris et Fréjus (1981), Toulouse (1986), à Saint-Denis de la Réunion et Fort-de-France (1987) puis à Nantes, Bourges et Saint-Quentin (1988) par intégration des anciennes agences de la  « Société Française INGÉROUTE »

C’est durant ces années 80 que sont mis au point de nombreux logiciels, dont notamment STREAM permettant la modélisation des écoulements multidirectionnels en régime transitoire. Ces développements permettront à BCEOM de figurer rapidement « dans la cour des grands » en matière d’hydraulique fluviale.

Les années qui suivirent virent la création d’une direction France et la création d’un service Infrastructure et aménagement du territoire auquel fut rattaché le service ouvrages d’art de BCEOM. De 1988 à 1994, son effectif passa de 90 à 180 collaborateurs. Le nombre annuel d’études réalisées en 1994 s’élevait à 800 environ.

Les années 1995-2000 furent une période de transition parfois difficile à vivre pour le personnel. L’entrée dans le groupe EGIS signifia l’abandon des activités routières et d’aménagement urbain avec transfert du personnel correspondant dans les sociétés régionales du groupe. C’est ainsi que les agences de Toulouse et Nancy furent intégralement transférées tandis que celles de Nantes et Ile de France se virent amputées.

L’activité France de BCEOM était désormais exclusivement orientée vers l’ingénierie de l’eau. Elle est alors structurée en quatre centres de profit GCI (Génie Civil), OSF (direction sud), ONF (direction nord) et REU (La réunion) et six services, sous-centres de profit de compétence thématique répartis dans OSF et ONF, auxquels étaient également rattachées les agences régionales.

C’est en juillet 1998 que se fit le transfert des bureaux de La Grande Motte à Montpellier dans un Bâtiment neuf, abritant également les équipes BCEOM de l’eau à l’international.

Durant cette période de fortes turbulences, le chiffre d’affaires se stabilisa néanmoins entre 11 et 12 millions d’euros, mais la technicité de BCEOM ne cessa de croître et s’enrichit de belles références, tels l’aménagement de la Loire à Brives-Charensac, la station d’épuration de Rodez et le quai paquebots à Papeete.

Les années 2001-2006 furent celles de la montée en puissance. La croissance organique se poursuivit à un rythme moyen de 11% par an. Le chiffre d’affaires passa la barre des 20 millions d’euros en 2006. De nouvelles implantations sont mises en place à Toulon, Marseille, Clermont-Ferrand et Grenoble.

La croissance organique n’est pas la seule source de progrès et le rachat de la Société Lorraine d’Ingénierie (SLI) implantée à Nancy et à Thionville – près de cinquante collaborateurs, avec 4 millions d’euros dans le domaine de l’eau et une réputation d’excellence – permet à BCEOM de franchir un palier supplémentaire dans son développement en France.

De l’évolution de l’actionnariat,

Toutes ces années de développement à l’international ne se déroulèrent pas au rythme d’un long fleuve tranquille et BCEOM dut affronter de nombreuses crises, chaque perturbation des grands équilibres économiques du monde l’impactant au premier chef. Il en fut ainsi des différents chocs pétroliers, de la dévaluation du franc CFA, etc. Tout au long de son existence, le maintien d’une trésorerie à flot fut un souci permanent pour ses dirigeants. Le développement ne pouvait se poursuivre sans de fortes recapitalisations. L’État y prit sa part et d’autres actionnaires entrèrent au capital. La CCCE, la BNP et la BFCE y figurèrent dès 1971, la SODLER (Société de Développement du Languedoc- Roussillon) y entra en 1979, SOFRERAIL en1984 et la SAHIDE (du Groupe Générale des Eaux) en 1992. Le capital passa ainsi de 10 millions de francs (anciens) en 1949 à 72 millions de francs (nouveaux), soit environ 11 millions d’euros, en 1993.

Ses capitaux permanents atteignaient alors 171 millions de francs, soit les deux tiers du total du bilan. BCEOM pouvait alors sereinement envisager l’avenir. Il venait d’ailleurs, quittant son siège historique du square Max Hymans à Montparnasse devenu trop petit, de s’installer à l’automne 1992 dans le bâtiment flambant neuf qu’il avait fait construire à Guyancourt dans les Yvelines.

C’est alors que l’État encore majoritaire au capital, considérant que sa place dans une société évoluant dans le secteur concurrentiel n’était pas justifiée, décida d’en sortir.

C’est ainsi qu’en 1996, au terme de sa « privatisation », BCEOM se retrouva au sein du Groupe EGIS dont l’actionnaire unique était la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC).

Entrée dans le monde de la finance,

Le nouvel actionnaire vendit le bâtiment des bureaux de Guyancourt, vente assortie d’un engagement de location. De propriétaire BCEOM se retrouva locataire, ce qui impactait de façon non négligeable son compte d’exploitation.

Le groupe EGIS, adossé à la CDC, comportait principalement trois sociétés : BCEOM, SEMALY et SCETAUROUTE.

BCEOM exerçait 80 % de son activité à l’international, les 20 % étant en France majoritairement dans le domaine de l’ingénierie de l’eau et de l’environnement. Par suite de l’ouverture à la concurrence du marché des autoroutes, un début de diversification prometteur dans les études des infrastructures de transport avait cependant vu le jour, concrétisé par la mise en place d’une agence à Toulouse pour la réalisation des premières études de l’autoroute Brive – Montauban.

SCETAUROUTE jusqu’alors en situation de monopole sur les études autoroutières, voyant son marché se réduire du fait de sa mise en concurrence et aussi par le ralentissement de la mise en œuvre de nouveaux tronçons, cherchait depuis plusieurs années à diversifier son offre tant à l’international qu’en France dans le domaine ferroviaire et auprès des collectivités territoriales.

SEMALY se développait sur le marché des infrastructures de transport urbain, alors très soutenu du fait de nombreux projets de métros, tramways ou bus en site propre, tant en France qu’à l’international.

Il y avait donc des chevauchements d’activité entre les différentes sociétés qu’il fallut régler. Ainsi BCEOM transféra son agence de Toulouse et l’activité allant avec à SCETAUROUTE et récupéra en contrepartie les quelques projets que SCETAUROUTE avait sur aide publique au développement (APD) à l’international. Il fut bien confirmé que BCEOM au sein du Groupe était seul porteur des activités relevant de l’APD ; mais les principes ne se traduisent pas toujours par des réalités.

Quelques années passèrent ainsi cahin-caha, avec un BCEOM un peu désarçonné par son nouvel environnement, découvrant les « management fees » qui devraient plus justement s’appeler prélèvement des dividendes à la source, devant rentrer dans un moule ne correspondant ni à son histoire, ni à ses pratiques, ni à ses valeurs. Mais l’essentiel, son intégrité, était préservé et il continuait à se développer.

Vers la fin des années 90, EGIS qui s’était lancé dans des rachats d’entreprises en Australie (CNPS&F) et en Allemagne (DORSCH) dut constater une perte d’une ampleur historique.

De 2003 à 2005, plusieurs changements à la tête de la CDC, d’EGIS et de BCEOM créèrent un certain désarroi à BCEOM qui se sentit bousculé dans des stratégies qui le dépassaient.

Le groupe EGIS n’était alors qu’un rassemblement de sociétés aux domaines d’intervention mal définis, n’ayant ni pratique ni outil communs. Les plans de restructuration du groupe s’enchaînèrent alors.

Dans un premier temps, en 2007, BCEOM fut coupé en deux par la séparation de ses activités en France et à l’international et changer de nom. L’activité en France fut désormais portée par une filiale nommée « EGIS Eau » et BCEOM fut rebaptisé « EGIS Bceom International ». Dans le même temps, ses filiales furent directement rattachées à EGIS et renommées : EGIS Poland, EGIS Romania, EGIS India, etc. Cette évolution, justifiée par un souhait d’organisation du groupe EGIS par métier, se traduisant par le transfert de près de 300 personnes et de 25 millions d’euros d’activité dans EGIS Eau, fut un premier bouleversement pour BCEOM.

Dans les années qui suivirent, EGIS qui était au départ une holding comportant peu de personnes se dota de services centraux qui peu à peu se substituèrent à ceux de ses filiales : informatique, gestion du personnel, moyens généraux, etc. BCEOM changea à nouveau de nom, devint « EGIS International » pour, en juin 2011, disparaître complètement par fusion avec une partie de SCETAUROUTE.

Le paradoxe est que malgré toutes ces transformations, BCEOM affichait alors une bonne santé avec une croissance et des résultats jamais atteints jusqu’alors. Pour son dernier exercice plein en 2010, le chiffre d’affaires était arrêté à 92,5 millions d’euros et le résultat net après impôts et intéressement à 3,3 millions d’euros ; sans parler des « management fees » qui étaient alors d’un peu plus de 1,8 millions d’euros.

 Gouvernance de BCEOM

 À tous les niveaux, une gouvernance par objectifs.

La matrice africaine fondatrice de valeurs

 Dans les années 50-60, réaliser des projets en Afrique, à des milliers de kilomètres de ses bases, n’allait pas sans de soi. Les moyens de communications (télex) ne permettaient que peu d’échanges avec le siège et étaient à utiliser avec parcimonie. C’était un peu l’aventure et l’organisation, la planification étaient fondamentales pour la réussite de la mission car les ressources locales étaient bien souvent succinctes.

 Ce sont ces conditions particulières qui sont principalement à l’origine de la gouvernance de BCEOM et de ses processus de fabrication. Ce sont elles aussi qui ont forgé les valeurs portées par l’ensemble de son personnel : sens des responsabilité, autonomie et esprit d’initiative, solidarité.

 Il est évident que les délégations de responsabilité devaient être le plus large possible, l’ingénieur, l’expert en mission devant être à même de régler tous les problèmes rencontrés sur le terrain et de représenter BCEOM vis à vis du client. Pour ce qui est de la capacité d’agir en toute autonomie et de l’esprit d’initiative, mieux valait ne pas en être démuni lorsque l’on se retrouvait à des milliers de kilomètres du siège et bien souvent face à des problèmes, des situations inattendues que seule l’Afrique savait offrir. Enfin l’indispensable solidarité des équipes car plus l’environnement est difficile et les problèmes complexes, plus la solidarité s’impose. L’Afrique sait rendre humble ceux qui la fréquentent.

 C’est la matrice africaine qui a ainsi forgé à l’origine bien des principes directeurs de BCEOM ayant perduré tout au long de son existence.

 Déléguer, mettre chacun face à ses responsabilités était donc un des principes de base de la gouvernance de BCEOM. Il fallait les outils pour ce faire, en suivre et mesurer l’efficacité. La comptabilité analytique fit son apparition à BCEOM dans les années 1960 et, en 1967 avec l’informatisation.  C’était un outil remarquable, permettant à chaque responsable de projet, de centre opérationnel ou fonctionnel disposer de tous les éléments, indicateurs nécessaires à une bonne gestion.

 BCEOM était ainsi une société à la hiérarchie peu pesante, où chacun à sa place était porteur de responsabilités, était reconnu pour ses qualités, son travail. Chacun à quelque niveau qu’il soit, connaissait parfaitement les tâches qui lui étaient confiées, leur contribution à l’atteinte du résultat final et en était pleinement responsable.

 En interne, les conflits de personnes n’avaient pas lieu d’être car chacun pouvait évoluer, progresser, se faire entendre. C’était une société ouverte, décloisonnée, d’une grande solidarité interne et bénéficiant d’un attachement viscéral de son personnel. Son ouverture sur le monde avait sans aucun doute imprégné les esprits. En découlaient cette volonté de donner le meilleur de soi, ces valeurs d’humilité, de solidarité, de confiance en l’autre, mais aussi de fierté pleinement justifiée au vu du travail accompli.

 L’organisation autour du projet

 Réaliser des projets était la raison d’être de BCEOM. C’est à cette fin que s’était bâtie son organisation. Le projet en était la cellule de base et c’est l’addition des marges sur projet qui faisait le résultat de BCEOM. Tout partait de là.

 Pour chaque projet était élaboré une méthodologie, un plan de travail et bien sûr un devis. Une équipe était constituée et mise sous l’autorité d’un chef de projet (aussi communément appelé chef de mission). Selon la consistance du projet, les équipes comportaient un nombre plus ou moins grand d’intervenants et pour des durées plus ou moins longues. Les projets étant en très grande majorité conduits près du client, le chef de mission se rendait dans le pays et organisait alors sa mission et le travail de ces équipes. Il procédait aux enregistrements administratifs de BCEOM dans le pays si ce n’était déjà fait, louait des bureaux, ouvrait des comptes en banque, recrutait les personnels locaux, achetait véhicules et équipements nécessaires, contractualisait avec les sous-traitants locaux, etc. Si dans le pays concerné BCEOM disposait déjà d’une implantation, agence ou bureau de représentation, la logistique de l’installation en était facilitée, mais le chef de projet conservait néanmoins la pleine responsabilité de la conduite de son projet, tant sur un plan technique que comptable.

 Ces structures éphémères qui se constituaient pour les besoins des projets étaient parfois impressionnantes. Ainsi par exemple, au début des années 90 et pour la conduite des études de l’autoroute devant traverser le Punjab au Pakistan sur un peu plus de 400km et devant être réalisée en à peine 12 mois, une structure regroupant plus de cent personnes dont une cinquantaine d’ingénieurs expatriés et locaux avait été créée à Lahore. Une vraie ruche dont l’organisation n’avait rien à envier à celle des abeilles.

 Tout projet étant rattaché au siège à un centre opérationnels, le chef de projet avait un correspondant au siège avec lequel il échangeait sur l’état d’avancement du projet, se coordonnait pour l’organisation des missions des experts y participant et ses besoins prévisionnels de trésorerie. Le responsable au siège était chargé de répondre aux besoins de la mission sur place. Cela pouvait parfois largement sortir du cadre technique comme l’envoi à Madagascar de cantines de beurre, huile, savon et autres produits de première nécessité alors que le pays en manquait.

 Tout un chacun au siège était extrêmement attentif à apporter sa pierre pour aider les équipes sur place et lorsque se rencontraient des problèmes plus sérieux de santé ou d’intégrité physique à la suite d’accidents ou de troubles, une véritable cellule de crise se mettait alors en place pour leur venir en aide et les rapatrier en les exfiltrant du pays si nécessaire. Où qu’elles soient au bout du monde, les équipes de BCEOM savaient pouvoir compter sur le concours du siège en cas de coup dur. La solidarité n’était pas un vain mot.

 L’organisation en centres opérationnels

 Ces centres, dénommés divisions en 1967, année où l’informatisation permit la mise en place d’un véritable système de gestion décentralisé, puis départements, étaient des « centres de profit » disposant de leurs personnels propres, d’une grande autonomie dans leur management et la conduite de leurs opérations. On les appellerait « business unit » dans le jargon prétendument moderne d’aujourd’hui.

 Chaque année, des négociations avec la Direction Générale de BCEOM se traduisaient par des objectifs assignés aux départements. Ces objectifs étaient financiers, portant sur l’activité, la marge brute des opérations, les charges de structure, les frais financiers et la marge nette mais également qualitatifs.

 Le suivi des résultats était trimestriel lors de la séance des « en-cours » où, sous la présidence du DG ou du DGA, avec comme support la comptabilité analytique, chaque opération était évaluée. Ces séances d’analyse des comptes, opération par opération, étaient fondamentales pour détecter tout dérapage sur un projet ou dans la gestion du département et permettaient de définir les mesures conservatoires à mettre en œuvre.

 Les départements étaient généralement à vocation technique. En effet, considérant que de la gestion du plan de charge du personnel dépend en grande partie la rentabilité, il apparut nécessaire de laisser la gestion des effectifs et des contrats auxquels ceux-ci contribuaient dans les mêmes mains, d’autant que ce choix donnant la primauté à la technique donnait également les meilleures garanties quant à la qualité des prestations.

Le nombre et le libellé des départements varia au fil du temps pour suivre les évolutions du marché, et il fût même créé à certaines périodes des départements à vocation géographique pour privilégier la relation client, mieux pénétrer certains territoires ou marchés dont BCEOM était absent (Méditerranée Moyen Orient en 1977, Afrique de l’Est et Océan Indien en 1988, Europe Centrale et Orientale en 1992).

 Les centres fonctionnels

 Trois directions fonctionnelles, assignées elles aussi à des objectifs annuels, venaient en appui aux départements opérationnels.

  • la Direction des Ressources Humaines (DRH), avec pour rôle essentiel le recrutement et la gestion des personnels salariés de BCEOM œuvrant tant en France qu’à l’international, mais aussi pour celui des experts extérieurs recrutés pour le besoin des projets. Elle avait aussi un rôle d’encadrement et de suivi des services en charge des ressources humaines dans les différentes filiales ;
  • la Direction des affaires financières et comptables (DAF), à laquelle étaient également rattachés le service des moyens généraux et le service édition infographie ;
  • la Direction commerciale et de relations extérieures (DCO), à laquelle étaient rattachées les agences locales et bureaux de représentation auprès des bailleurs de fonds les plus importants (à Washington, Manille et Bruxelles) ainsi que les services de documentation et de traduction. Elle était entre autres chargée de la production et de la diffusion du matériel commercial de BCEOM, de sa représentation dans différentes instances, congrès, mais aussi du maintien de la base de références de BCEOM.

 La direction générale

 La direction générale était constituée d’un directeur général, nommé par le conseil d’administration, assisté d’un ou plusieurs directeurs généraux adjoints plus spécifiquement en charge des aspects opérationnels de tout ou partie de la société.

 La direction générale jouait un rôle essentiel dans l’animation des équipes de direction, la mise en œuvre des procédures, la coordination d’ensemble des différents centres, la diffusion des bonnes pratiques et dans la définition des orientations et objectifs de la société. Ces orientations devant être comprises et partagées par tous étaient généralement fixées après une large concertation avec différents responsables de la société.

 À partir des années 80, BCEOM prit l’habitude de se livrer régulièrement à des exercices de perspective, soit sous la forme de plan d’entreprise, soit sous celle des perspectives triennales mises en place à partir de 1986. En 1998, cet exercice se transforma en l’élaboration d’un Plan à Moyen Terme, mis à jour tous les deux ans.

 Le souci de la circulation de l’information, de la recherche des bonnes pratiques visant à la cohérence d’ensemble de la société et à l’amélioration de ses performances fût constant pour les directions successives de BCEOM. Au fil du temps, de nombreuses procédures avaient ainsi vu le jour et fait l’objet d’instruction, dossier pilote etc. Le Manuel des procédures de 1977 concernant l’ensemble des activités dites administratives par exemple, était d’une modernité impressionnante ; un « management book » avant l’heure.

 À partir de 1995 fut lancée une démarche qualité visant à l’obtention d’une certification ISO 9001. Le travail réalisé en interne fût gigantesque et la certification obtenue en 1999. Il fut par la suite actualisé en 2006 et tous les éléments constitutifs du système qualité, devenus outils du quotidien pour le travail de chacun furent disponibles sur l’internet de BCEOM. L’impact positif sur la société fut très important et contribua en grande partie à l’amélioration de sa productivité et de son résultat.

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